mercredi 25 novembre 2009

Chapitre IX : Sarita Colonia la patronne des pauvres.

Au Pérou, comme partout dans le monde, l’Eglise catholique déçoit, et si les Péruviens ne s’expriment pas à ce sujet, ni même ne murmurent, ils réagissent à leur manière et ils affichent une foi excessive pour des images de saints qui ne sont pas dans le panthéon des grands saints reconnus de l’Eglise. Il s’agit du père Urraca enterré à l’église de La Merced et de sa sainte croix couverte d’ex-voto d’argent que les dévots touchent les bras tendus comme autant de racines pour la croix (voir mon premier chapitre), de la Melchorita de Chincha, et surtout de Sarita Colonia de El Callao.
Sarita est de loin la plus extraordinaire. Elle est l'élue des chauffeurs de bus et de camions, des dockers, des prostituées, des homosexuels et des délinquants. Ces derniers font tant preuve de ferveur en Sarita que la prison de El Callao s’appelle officiellement : « Sarita Colonia ». Elle est la sainte non canonisée la plus fameuse d’Amérique Latine.


Elle est née le 1° mars 1914 dans la province de Ancash, à Huaraz dans le quartier pauvre de Belén. C'est la fille ainée d’une famille de trois enfants. En 1924, sa maman tombe malade et la famille émigre à Lima pour mieux la soigner. En 1928 ils retournent à Huaraz et leur mère décède dans les mois qui suivent. Le père revient à Lima avec ses trois enfants. Sarita a la charge de ses sœurs et gagne sa vie en gardant les enfants d’une boulangère. Sa vie est exemplaire. Le 22 décembre 1940 elle décède à l’âge de 26 ans à cause d’un paludisme pernicieux selon l’acte de décès, mais ses proches sont tant obsédés par l’image de la pureté de Sarita qu’ils préfèrent parler d’une surdose d’huile de ricin qui est un laxatif puissant et dangereux. Elle est enterrée dans la fosse commune de El Callao sans funérailles, ni cérémonie. En 1941 son père pose une croix sur son petit mausolée avec sa photo et son nom. Peu à peu les gens viennent se recueillir auprès de sa croix. Les premiers à lui vouer un culte seront les dockers du port de El Callao, ils lui élèveront une maison sanctuaire dans le cimetière des déshérités appelé « La Pampa Santa » pour l'immensité de sa fosse commune et l’accumulation de tant de souffrances et de corps oubliés.
La première fois que j’ai entendu parler de Sarita, c’est en 1979 quand le groupe Paréntesis exposa à Barranco dans sa démarche de "Arte al Paso" des sérigraphies sur Sarita dont certaines illustraient le viol qu'elle aurait subi, selon un mythe qui circule à ce sujet. En 1980 ce groupe d'artistes réalisa une immense image de Sarita de 60 m2 sur le flanc d’une colline désertique à environ 30 km de Lima, visible de l’autoroute en direction de Pucusana et à proximité du site archéologique de Pachacamac. Chaque picsel de couleur est le fond peint d’une boite usagée de lait concentré Gloria.


Installation faite par Francisco Mariotti avec ses deux filles et leur maman Maria Luy



Cette photo provient du livre E.P.S Huayco-Documentos édité par le critique d’art Gustavo Buntinx.


Ce que j'ai retenu du mythe du viol de Sarita est l'histoire suivante :
« Trois garçons poursuivent la jeune Sarita sur la plage déserte de El Callao. Au lieu de remonter vers les terres, elle s’engage dans la mer. Les garçons la voient courir sur l’eau, elle s’éloigne très loin sans s’enfoncer, puis subitement elle disparait. Ils rentrent chez eux et le lendemain quand ils se retrouvent, ils découvrent qu’ils ont fait tous les trois le même rêve avec la même recommandation. Sarita leur demande d’aller rendre visite à ses parents et de tout leur avouer. Elle leur promet le pardon de sa famille et de tous ceux à qui ils devront raconter le drame. Toutes ces personnes seront récompensées par des bienfaits et des miracles. Les trois garçons avouent leur crime. Les promesses de Sarita se réalisent. Depuis elle ne cesse de faire des miracles pour ceux qui croient en elle. »
Des années plus tard, un Péruvien me raconte une autre histoire :
« Les trois garçons ont immobilisé Sarita sur la plage, ils s’apprêtent à la violer, mais Dieu dans son infini miséricorde ferme le corps de Sarita, gomme son sexe, et entre ses jambes, les garçons voient un coude. » Est-ce qu'ils ont cru voir le sexe fermé d'une statue grecque ?
Aujourd’hui cette histoire est sur internet racontée par Gustavo Buntinx  :
http://www.fas.harvard.edu/~icop/gustavobuntix.html
Ce coude est une sorte de bras d’honneur de Dieu !
C’est un mythe qui joue certainement le rôle de frein aux pulsions des délinquants violeurs !

Pourquoi Sarita m’intéresse-t-elle autant ?
En 1993 un ami péruvien de Marseille, Juan Carlos Belon me demande si j’ai dans ma collection d’icônes quelque chose qui concerne le blasphème ! Je pense tout de suite à deux sérigraphies du groupe Paréntesis où Sarita est associée au sexe. J’invite Juan Carlos à venir me rendre visite la semaine suivante, mon épouse et ma fille ont voyagé, je décroche les peintures et j’installe mes sérigraphies et diverses images de saints sur les murs comme pour raconter une histoire. J’invite Lionel, un ami cinéaste, à venir filmer notre rencontre.
Juan Carlos arrive avant Lionel, il regarde l’image de Sarita où apparaît sa date de naissance. Il me demande : Quel jour sommes-nous ?
Nous sommes le 1° mars !
Sans nous concerter, nous nous sommes réunis le jour de l’anniversaire de Sarita !?
Lionel filme notre conversation, son bébé sur les genoux de sa maman, les images au mur, le verre de rhum que nous buvons pour Sarita et le disque d’une valse créole qui tourne sur la platine. Pas plus de 20 minutes de rush qui compteront beaucoup pour Lionel, car trois mois plus tard il réalisera avec ce matériel un film de 10 minutes sur Sarita Colonia qu’il présentera à sa licence de cinéma à Aix-en-Provence.
Il me reste à résoudre la numérisation de ce petit film pour vous le montrer sur ce blog.
Je n’en reste pas là avec l’anniversaire de Sarita. Le 1° mars est devenu aussi la date de la fondation de mon association Arcaillou de nains casseurs de cailloux, que j’ai crée en 1995 et qui me tient très à cœur. La Sous-préfecture d’Istres a inscrit Arcaillou au journal officiel le 1° mars 1995. Sarita devient notre sainte patronne. Sarita patronne des pauvres et aussi celle des nains. Nous pourrions nous appeler : Sarita-Arcaillou.
Mais pourquoi une association de nains ?
En 1994 je découvre à Panama Santa Librada et ses huit petites sœurs jumelles qui sont neuf petites muses qui musardent et s’amusent dans un magnifique jardin tropical où le soleil alterne avec la pluie. Pour s'échapper et aller danser avec les diables de la ville voisine, elles se mettent sur la tête des chapeaux pointus de nains de jardin. Ce serait merveilleux pour nos nains de jardins européens de les rencontrer, ils souffrent tant de l’absence d'une présence féminine à leur portée.
En 1995 je convaincs mes amis vitrollais, membres d'Arcaillou, que nous ne sommes en esprit guère plus grands que des nains de mines casseurs de cailloux, car nous sommes incapables de nous sortir de ce monde industriel qui nous entraine vers une catastrophe climatique.
Immigrés à Vitrolles, nous voulons être nains de jardins exotiques et ne plus aller à l'usine. Nos machines partent en Chine, pourquoi ne pas en profiter pour entrer dans le Temps des Jardins avec toute cette belle technologie capable du meilleur.

Visite du cimetière de El Callao
Mardi 22 septembre 2009 Monsieur Johnny, chauffeur de taxi auprès de notre hôtel me propose de m’emmener. Johnny est retraité de la police d’investigation, il est du Callao et il aime énormément son quartier. Sa conversation est très intéressante, il connait vraiment le Pérou et ses histoires. Nous passons toute la matinée ensemble à visiter El Callao que je trouve propre et métamorphosé. Je découvre le quartier des pécheurs italiens aux maisons en bois fraichement repeintes ! Tout le monde connait Johnny. Là où il s’arrête, il donne de l’argent, il a un grand cœur. Nous terminons par le sanctuaire de Sarita dans le cimetière où reposent tant d’autres personnes qui n’ont qu’un petit caisson en ciment de la taille de leur cercueil !
Les deux sœurs de Sarita et sa famille nous attendent, elles vivent de la vente des images et des bougies. Je suis très aimablement reçu, la sœur la moins âgée répond à toutes mes questions, mais je n’apprends rien de particulier. Je demande à Sarita d’exaucer le grand Miracle dont je vous ai parlé dans le chapitre I : voir l’humanité entrer dans le Temps des Jardins, non tant pour tempérer le climat, mais pour nourrir les deux milliard d'êtres humains qui ne mangent pas à leur faim et vivent dans des conditions inadmissibles.

Prochainement je complèterai mon diaporama avec des photos de 1977-79 que je dois numériser.

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